Convergence ?

Le 8 Juin 2001,

Le "Home gateway". Tel est le nom de la nouvelle "set-top box" dévoilée par l'anglais Pace Technology. Sa particularité ? Cumuler les fonctions de décodeur, Web TV, magnétoscope virtuel, moteur de TV interactive et console de jeux, permettre de commander, stocker et visionner des films et des jeux. Il s'agit bien là d'une "passerelle universelle" permettant l'accès à l'ensemble des ressources multimédia disponibles, la première d'une longue série de consoles du même type. Car aujourd'hui, la numérisation de tous les médias, audio, visuel, papier permet théoriquement de les faire converger vers un même appareil. Le développement d'Internet a joué son rôle, grâce à ses avancées technologiques (Protocole TCP/IP, hypertexte, compression des données, gestion des bases de données, streaming...), mais aussi parce que le Web a permis aux utilisateurs et aux fournisseurs de contenu de se familiariser avec les principes de l'interactivité.

Après de nombreuses de tentatives infructueuses pour créer un système de TV interactive viable, près de 25 ans d'efforts et d'échecs (le CD-I de Philips, le Qube - 1977 - et le Full Service Network - 1993 - de Time-Warner ...), les grands pontes de l'audiovisuel disposent enfin des moyens pour satisfaire leurs ambitions. Toutes les chaînes émettent en numérique, les catalogues de films ont été numérisés pour permettre de produire des DVD, la musique elle-aussi est stockée sous forme binaire. Les grands médias ont commencé à créer des sites Internet, développer des services interactifs, dialoguer électroniquement avec les télé-spectateurs (cf Loft Story et son utilisation des messages SMS) après des années à émettre des programmes préformattés où la seule interactivité était la liberté de zapper.

Pour autant, plus personne ne pense pouvoir transformer la télévision en autre chose qu'un centre de divertissement. Les échecs des "net top box" ou des PC de salon ont montré que le téléviseur ne remplacerait jamais le téléphone ou l'ordinateur pour certaines tâches. Néanmoins, il excelle pour tout ce qui touche au divertissement et aux loisirs, comme le PC excelle dans le domaine de la productivité et de la recherche d'informations, le téléphone (fixe et mobile) dans le domaine de la communication écrite ou vocale et des services de proximité.

En partant de cette "division des tâches" en fonction des supports, on peut imaginer d'autres fonctions pour la TV de demain. Dans le domaine de la musique par exemple ; La révolution du MP3 a montré non pas que tous les mélomanes étaient des pirates, mais que le fait de disposer d'un véritable "juke-box virtuel" était une demande forte des consommateurs. Pour autant, le caractère ouvert du PC empêche de développer un système 100% sécurisé d'achat et de téléchargement de musique. Les nouvelles "set top box", avec leurs disques durs et leurs connexions rapides, autorisent la création d'un système entièrement sécurisé où l'utilisateur peut écouter des extraits de chansons, les télécharger puis les transférer vers d'autres appareils, comme des baladeurs numériques, ou des chaînes hi-fi dotées de capacités de stockage, et ce sans passer par l'ordinateur. Les nouvelles technologies de transmission de données sans-fil, comme Blue-tooth ou Wi-Fi, permettent la création d'un véritable réseau sans-fil à l'intérieur de la maison pour diffuser la musique ainsi achetée et stockée vers les différents terminaux. Des entreprises comme Thomson Multimédia par exemple, qui possède la licence sur la technologie MP3 et produit des set-top box, des baladeurs et des chaînes hi-fi, pourraient proposer ce type de service.

La télévision est aussi le terminal privilégié pour les "achats impulsifs" ; l'utilisateur voit un produit au cours d'une publicité télévisée ou sur une chaîne de téléachat, il intervient pour avoir plus d'informations et peut passer commande aussitôt. Le fait de disposer d'un système unifié et standardisé constitue un formidable outil marketing, autorisant le développement de publicités ciblées en fontion des achats passés ou des préférences audio-visuelles, musicales ou ludiques de l'utilisateur; de même, la relation bi-directionnelle avec l'abonné permet de connaître à tout moment l'audience d'une chaîne, l'utilisation réelle d'un service, le succès rencontré par une publicité... beaucoup mieux que ne le pourra jamais aucun panel.

Ce dernier point amène un problème fondamental : celui de la protection de la vie privée. Face aux possibilités offertes, on peut craindre des abus et détournements qui provoqueraient une paranoïa au sein des utilisateurs et une faillite du système. Récemment, TiVo, créateur d'un système de magnétoscope virtuel, a été accusé de violation de la vie privée de ses clients. Son système, inclus dans certains décodeurs, dispose d'un disque dur et d'un modem; l'utilisateur peut enregistrer des émissions de façon régulière, des programmes abordant un thème particulier ou des films où figure un certain acteur par exemple. Pour cela, la console contacte systématiquement le service central de TiVo pour mettre à jour sa liste de programmes. Mais il se trouve qu'elle se connecte aussi la nuit pour transmettre le détail de toutes les émissions regardées par l'utilisateur... Un véritable Big Brother à domicile.

Pour résoudre ces craintes légitimes , il est nécessaire de fixer des règles concernant la protection des données personnelles ; les informations concernant l'utilisation du système doivent être transmises de façon anonyme ; les transactions doivent être sécurisées; l'anonymat de l'acheteur d'un certain produit ou service doit être garanti par l'opérateur du système ; le tout doit être vérifié par un organisme de régulation indépendant.

Mais pour proposer toutes ces fonctionnalités, et bien d'autres encore, la TV interactive a besoin d'un standard. Fruit d'une coopération entre les différents acteurs ou du triomphe d'un système sur les autres, il doit définir les échanges de données entre l'abonné et les services, la sécurité des transactions, le fonctionnement du "moteur d'interactivité"... C'est une nécessité autant pour les particuliers, qui ne veulent pas entasser les "set-top box" en dessous de leurs téléviseurs, que du côté des fournisseurs de contenus, qui ne peuvent investir pour développer des produits compatibles avec une multitude de plateformes. Sur chaque marché un ou deux systèmes peuvent s'imposer; la globalisation du marché des médias et les économies d'échelle favoriseront sans doute l'émergence d'un standard international.

Dans cette colonne, nous allons essayer chaque semaine d'aborder un thème nouveau concernant les enjeux de la "Convergence" dans le monde des médias, de commenter l'apparition d'un nouveau produit, l'annonce d'une alliance... Nous ne nous intéresserons pas seulement à la TV interactive mais aussi à toutes les évolutions du monde du multimédia.

Si vous avez un avis sur une chronique ou bien désirez proposer un article, n'hésitez pas à m'écrire à l'adresse suivante : jerome@derozard.com .

Jérôme Derozard


 

 


 

Thomson Multimédia

 


 

TiVo

 

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