Le Roi du Salon

Le 15 Juin 2001,

Le Roi du salon. C'est le titre que Bill Gates, Steve Case, Jean-Marie Messier et consors vont se disputer au cours des prochaines années. Et pour conquérir ce trône, aux côtés de la Reine Télévision, ils vont lancer à l'assaut de la planète une armada de magnétoscopes numériques, consoles de jeux, Web TV, décodeurs nouvelle génération... A la clé, proposer LA "set-top box", la "passerelle universelle" qui équipera le plus grand nombre de foyers, devenant ainsi une plateforme incontournable pour les nombreux fournisseurs de contenus (Chaînes de TV, Majors du cinéma et de la musique, éditeur de jeux ou de sites Web...). Ces derniers pourront ensuite développer des produits compatibles moyennant un "impôt royal", bien sûr.

Les stratégies de conquête du trône se dessinent pour chacun des prétendants. Ceux qui ont l'avantage de posséder un réseau de distribution (Câble, TV par satellite, Numérique hertzien...) et un catalogue de médias comptent équiper leurs abonnés d'un nouveau décodeur intelligent, puis les inonder de services et contenus développés en interne; Ce faisant, ils séduiront de nouveaux clients, et pourront attirer d'autres fournisseurs. Les acteurs possédant un réseau mais pas de contenus se focalisent sur l'extension de leur base d'abonnés et la mise en place d'un système propriétaire ; ensuite, ils pourront négocier avec les fournisseurs de contenus pour proposer de nouveaux services.

Pour les autres prétendants, la priorité est l'aspect technologique. En ayant recours à la tactique du cheval de troie par exemple : vendre directement à l'utilisateur final une console, un magnétoscope virtuel... pour se constituer une base d'utilisateurs à qui on peut proposer ensuite d'autres services, et court-circuiter les autres intervenants. Ou bien, en créant un "standard de fait" : négocier des contrats avec une multitude de réseaux de distribution, leur vendre à tous des systèmes standards intégrés ( et compatibles...) à des prix défiant toute concurrence, et créer un standard incontournable.

Quelle que soit l'approche suivie, il faut disposer de moyens importants ; en effet, il faut améliorer les infrastructures techniques, équiper ses abonnés sans pouvoir répercuter directement les coûts sur les abonnements et le prix d'achat / de location de la "set-top box", au risque de faire fuir la clientèle. Comme dans les jeux vidéo, les fabricants perdent de l'argent sur le "hardware" (les consoles) mais en gagne sur le "software" (les jeux). Et comme dans les jeux vidéo, les candidats sont nombreux et les places sont rares : chez le consommateur comme chez le fournisseur de contenus, on est pas prêt à supporter une multitude de systèmes.

Mais pour ceux qui arriveront au but, c'est l'espoir de pouvoir valoriser leurs réseaux et contenus à des niveaux inégalés, de disposer d'une arme marketing redoutable. Dans cet article, nous allons recenser les prétendants, du moins ceux qui semblent avoir les moyens et les compétences pour conquérir le trône.

 

1 - L'approche verticale : contenus & contenants

Jean-Marie Messier est un homme comblé. La fusion de Vivendi avec Seagram / Universal et Canal Plus en Décembre 2000 lui a permis de rassembler le contenu (Les catalogues de films et de musique d'Universal, l'édition et les jeux d'Havas, le catalogue de films et les chaînes de Canal Plus ) et les réseaux de distribution (Canal Plus). Mais pour devenir le Roi du Salon, ce n'est pas le tout de posséder contenu et contenant, il faut surtout savoir créer des produits interactifs.

Sur ce point, Vivendi est particulièrement bien placé : en plus des premières expériences de télévision interactive de Canal Plus et de ses filiales, le groupe a accès à une plateforme développée par Canal + Technologies ; il dispose d'une présence forte dans les jeux vidéos, média le plus interactif qui soit (comme nous le verrons dans un prochain article), à travers VU Interactive Publishing (Sierra, Blizzard, Flipside) ; Le développement de la plateforme PressPlay de musique à la demande lui servira de test pour de futures expériences de VOD (Video on Demand) ; Les différents sites Web axés sur le divertissement et la culture lancés par le groupe, et notamment le portail Vizzavi, viennent également renforcer les compétences du groupe dans le domaine de l'interactivité, tant au niveau de l'utilisateur que du back-office.

L'une des grandes force de Vivendi réside aussi dans sa participation de 44% dans USA Networks, dirigé par Barry Diller. Ce vétéran de l'industrie des médias américaine dirigea le conglomérat Gulf & Western dans les années 70 (Regroupant les studios Paramount aux côtés d'un petit fabricant de machines d'arcade encore inconnu, Sega), il lança avec succès à la fin des années 80 la chaîne nationale américaine Fox. Mais au début des années 90, il comprend les enjeux de la convergence et prend la tête de QVC, chaîne de télé-achat, puis tente sans succès de racheter le studio Paramount. Par la suite, il est l'architecte de la création du groupe USA Networks, qui regroupe des chaînes du câble, comme USA Network ou Sci-Fi Channel, des studios de cinéma et de télévision (Créateurs des Xena et autres Hercules), des sites Web de commerce électronique comme Ticketmaster (Réservation de places de spectacle) mais surtout Home Shopping Network, 1ère chaine de télé-achat au monde. A travers HSN, Barry Diller a réussi à développer une entreprise profitable reposant uniquement sur la TV interactive ; pour le moment, l'expérience se limite à l'achat de bibelots et autres crèmes miracles, mais les compétences acquises lui permettront d'étendre le système à la commande de films à la demande, de jeux...

A l'aide de ses trois forces, réseau de distribution, contenus et compétences dans le domaine de l'interactivité, Vivendi est bien placé pour proposer une plateforme de télévision interactive compétitive ; le prochain décodeur destiné aux abonnés français aux offres numériques de Canal Plus (Câble et Satellite) devrait être doté d'un disque dur permettant de commander des films, de jouer à des jeux vidéos, d'accéder à Internet... bref, accéder à toutes les ressources du groupe.

L'autre géant des médias leader sur ce segment est bien sûr AOL Time Warner. Plus grande entreprise des médias au monde, plus grand fournisseur d'accès internet au monde, ce groupe possède un réseau de distribution (Le 2ème cablo-opérateur des Etats-Unis), des contenus (Chaînes TV - HBO, CNN, Films Warner, musique, magazines, sites internet), et la meilleure expérience de l'interactivité qui soit grâce au service AOL et à de nombreux éditeurs de logiciels (Netscape entre autres). AOL a déjà lancé un embryon de télévision interactive avec le service AOL TV qui permet aux abonnés d'accéder à leurs mails et de dialoguer avec leurs amis depuis leur télévision. Son réseau câblé est un atout essentiel en permettant une relation bi-directionnelle avec l'abonné qui facilite la commande et le téléchargement de films, de musique... De plus, la base d'abonnés au service AOL constitue un vivier de clients habitués à un système interactif permettant de jouer, d'envoyer des messages, de commander des biens et services variés... Tout ce que proposera la TV interactive.

Pourtant, Vivendi Universal comme AOL Time Warner devront surmonter bon nombre d'obstacles pour imposer leurs solutions ; leurs réseaux sont incomplets, trop européen pour Vivendi, trop américain pour AOL. Les nombreuses expériences de TV interactive lancées ces 20 dernières années par Time Warner sur son réseau câblé ont toutes échouées (La dernière en date étant PathFinder). Les résistances en interne à un système intégré sont nombreuses : AOL continuera longtemps à promouvoir l'accès à Internet par l'intermédiaire d'un PC ; les dirigeants des studios Warner et Universal sont difficiles à convaincre d'autoriser un accès illimité à leur catalogue de films, car cela remettrait en cause les revenus provenant de la location vidéo et de la vente de droits télévisés. Enfin, les autorités de la concurrence surveillent étroitement les deux groupes pour ne pas qu'ils ferment leurs réseaux de distribution aux autres acteurs. D'ailleurs, pour l'instant les deux géants se gardent bien de mettre en avant leurs projets dans ce domaine, laissant la voie libre à d'autres entreprises.

 

2 - L'approche Horizontale

Rupert Murdoch est quelqu'un d'obstiné. Et l'obstination, il en a eu besoin pour créer News Corp, aujourd'hui géant des médias, hier petit journal d'Adélaide, Australie. Après avoir crée son groupe de communication (dont il possède 40%) en regroupant des chaînes de télévision (la chaîne américaine Fox), des journaux (Le Times de Londres) et des studios de cinéma (20th Century Fox), Rupert s'obstine à vouloir racheter DirecTV, plus grand opérateur satellite du monde avec près de 10 millions d'abonnés aux Etats-Unis. Son but ? Créer une plateforme mondiale de télévision, avec une couverture allant des Etats-Unis au Japon en passant par le Grande-Bretagne et la Chine. Il possède déjà des participations dans plusieurs opérateurs, notamment BskyB, n°1 au Royaume-Uni, Premiere en Allemagne ou Stream en Italie (En cours de fusion avec Tele+, filiale de Canal Plus). News Corp possède aussi Gemstar - TV Guide, qui édite des programmes interactifs (notamment un programme télévisé multi-plateformes)

La stratégie de Rupert Murdoch concernant la TV interactive est différente de celles de Vivendi et AOL ; au lieu de compléter son offre en terme de contenu, le magnat australien focalise ses efforts sur la constitution d'un réseau international d'opérateurs satellites. Et pour alimenter ses abonnés, il s'allie avec d'autres fournisseurs pour proposer leurs produits aux côtés des siens. Sa stratégie se rapproche de celle de DirecTV qui n'édite aucune chaîne et ne possède aucun contenu, se contentant de vendre des produits développés par d'autres à ses abonnés.

Le choix du satellite comme mode de distribution n'est pas surprenant ; beaucoup moins gourmand en capitaux que le câble, il autorise la couverture de larges territoires sans recours à un endettement massif ou à des alliances avec d'autres groupes. La passage à l'ère numérique permet de diffuser autant de canaux que sur le câble et de transmettre des volumes importants de données. Le principal problème est qu'il est impossible de remonter l'information depuis l'abonné vers le service sans l'emploi de grandes antennes paraboliques. Pour l'instant, pour que l'utilisateur puisse commander un film, répondre à un questionnaire, surfer sur Internet... il doit brancher son décodeur sur sa prise téléphonique, ce qui constitue un frein au développement de fonctions interactives innovantes.

Beaucoup de solutions peuvent être envisagées pour résoudre ce problème : inclure une antenne dans le décodeur pour profiter des réseaux de téléphone mobile déjà installés ; équiper les foyers de lignes ADSL afin de permettre une connexion permanente à Internet ; emprunter la Boucle Locale Radio, etc... La solution idéale consiste à utiliser une constellation de satellites en orbite basse permettant une communication bi-directionnelle haut débit avec l'abonné, le tout à l'aide d'une antenne d'une dizaine de centimètres seulement. De nombreux projets d'accès à Internet par satellite ont déjà vu le jour (Teledesic, Skybridge... ), mais le pari reste risqué et coûteux, il suppose la transmission de volumes importants de données entre l'abonné et le réseau pour justifier un tel déploiement. Bref, la réponse n'est pas évidente, mais gageons que M. Murdoch la trouvera s'il réussit à étendre son réseau et à équiper des dizaines, voire des centaines de millions de foyers à travers le monde.

Face au satellite, le numérique hertzien et le câble sont confrontés à leurs propres problèmes. Le premier n'offre lui aussi qu'une relation mono-directionnelle avec l'abonné, et son développement dépend du bon vouloir des pouvoirs publics. Le marché du second est encore très fragmenté et les opérateurs sont méfiants vis à vis des systèmes interactifs qui leurs sont proposés, préférant attendre l'émergence d'un standard. Pour preuve, le récent rejet par AT&T, 1er cablo-opérateur aux Etats-Unis, de la nouvelle "set top box" développée par Microsoft. Pourtant, il est vrai que le câble offre la solution idéale pour les projets de TV interactive, et à défaut de pouvoir constituer un opérateur global, certaines entreprises se focalisent sur le développement d'un standard technologique.

 

3- L'approche technologique

Bill Gates repart en guerre. Après être devenu le Roi du bureau, ou plus exactement du micro-ordinateur, il se croyait pourtant tranquille. Mais des projections pessimistes sur le futur de la micro-informatique lui ont fait craindre le pire : Que se passerait-il si le marché du PC arrivait à saturation ? Que les entreprises étaient toutes équipées ? Que les particuliers, après avoir passé une journée entière devant leurs claviers, préféraient le soir s'installer devant leurs télévisions, boudant l'ordinateur ? Qui en profiterait ? Les constructeurs de consoles de jeux, d'accès à Internet, les fabriquants de décodeurs, les câblo-opérateurs... mais pas Microsoft. Face à cela, une seule solution : la conquête du salon.

C'est en 1997-98 que cette nouvelle guerre a vraiment commencé avec le rachat de WebTV, pionnier de la console d'accès à Internet. Microsoft ne possédant aucun contenu ni aucun réseau de distribution (câble ou satellite), son approche a été purement technologique. Pour mener cette bataille, le groupe possède deux armes : ses équipes de développement et son trésor de guerre (près de 30 milliards de $ en 2001). En premier lieu, Bill Gates a décidé d'utiliser la tactique du "cheval de troie", l'invasion masquée du champ de bataille. Le rachat de WebTV devait permettre, en surfant sur la vague Internet, de prendre pied dans le salon en proposant un accès au Web à un coût réduit. Las ! La demande n'a pas été au rendez-vous, les consommateurs n'étaient pas prêt à payer $200 pour une machine permettant uniquement de surfer sur Internet, avec en plus un confort d'utilisation limité.

Un nouveau type de "set top box" est apparu en 1999 : le magnétoscope virtuel. Il s'agit ni plus ni moins d'un mini-ordinateur équipé d'un disque dur et d'un modem qui permet d'enregistrer des émissions, d'avoir accès à des fonctions interactives avancées en contactant le service central. Le pionnier de ce système est la jeune start-up Tivo, qui a conclut des accords de licences avec DirecTV, BskyB et Sony entre autres. Microsoft a contre-attaqué en lançant Ultimate TV qui propose des fonctionnalités similaires.

Mais surtout, Microsoft s'est intéressé au marché des consoles de jeux. De toutes les "set top box", ce sont les plus populaires : la Playstation de Sony s'est par exemple déjà vendu à plus de 70 millions d'exemplaires. Les consoles de nouvelle génération possèdent des capacités accrues, comme la Dreamcast de Sega, lancée en 1998 au Japon, qui offre l'accès à Internet pour surfer et pour jouer. Au début, Microsoft s'est contenté d'un partenariat avec Sega pour équiper la console d'une version limitée de Windows afin de faciliter la conversion de jeux PC au format Dreamcast. Mais lorsque Sony a affiché sa volonté de vendre sa Playstation 2 en tant que véritable centre multimédia, permettant de lire des DVD, de bénéficier d'une connexion haut débit à Internet (avec l'aide de AOL) et même d'être équipée d'un disque dur, Microsoft a senti le danger et a décidé de lancer sa propre console, la Xbox.

La Xbox représente pour Microsoft l'arme ultime dans sa lutte pour l'accès au trône du salon : c'est un véritable ordinateur, équipé d'un processeur Intel, d'un disque dur et d'un lecteur DVD ; il peut être relié à l'Internet à haut débit, et fonctionne avec une version allégée de Windows. Il s'agit de la tactique du Cheval de Troie poussée à l'extrême : le consommateur achète une console de jeux qui se révèle être pour Microsoft une formidable passerelle pour proposer des services variés, allant du magnétoscope virtuel à la WebTV en passant bien sûr par des programmes de TV interactive. Pourtant, sa proximité avec le PC est son principal point faible : les joueurs passionnés seront plus attirés par la PS2 de Sony, pure console de jeux disposant de titres renommés, plutôt que par la Xbox, dont les titres proposés se rapprocheront beaucoup des titres PC. De plus, Microsoft n'a aucune expérience de ce secteur, son entrée sur le marché de l'édition de jeux vidéo est récente ; Mais il peut faire jouer sa puissance financière et commerciale : la Xbox dispose d'un budget de lancement de 500 millions de $ uniquement pour les dépenses marketing.

En parallèle, Microsoft tente de créer un standard de fait ; la firme négocie avec des réseaux de distribution pour qu'ils adoptent ses technologies de TV interactive en échange d'une participation dans leur capital; c'est la cas de DirecTV, AT&T ou UPC en Europe. Microsoft essaye ainsi de constituer un standard de fait en matière de TV interactive; mais la stratégie a ses limites, comme l'a montré le rejet par AT&T de la set-top box fabriquée par la firme de Bill Gates .

Face à Microsoft, des dizaines d'intervenants plus petits tentent non pas de devenir le Roi du Salon mais simplement de se faire une place au soleil. On pourra citer OpenTV qui propose un format commun de TV interactive, les fabriquants de set-top box Motorola ou Pace technology; Replay TV et Tivo qui proposent un service de magnétoscope virtuel; Viacess qui sécurise les flux vidéos... La plupart de ces intervenants tentent de s'allier pour contrer à la fois Microsoft et les entreprises qui développent un système propriétaire et fermé comme Canal + ou AOL. Rupert Murdoch semble constituer un allié de poids, son groupe a toujours privilégié l'utilisation de systèmes standards pour ses opérateurs satellites : BskyB utilise déjà les services de Tivo et d'OpenTV.

 

4 - Content is king

Face à tous ces prétendants, certaines entreprises préfèrent se concentrer sur le contenu en constatant que le ou les vainqueurs auront toujours besoin de distribuer un maximum de films, de proposer une multitude de chaînes de TV ... Ce sont les adeptes du principe "Content is King", le "contenu est Roi", édicté par Sumner Redstone. Cet autre magnat des médias a fondé Viacom à partir d'un circuit de salles de cinéma. Le groupe comprend aujourd'hui les chaînes nationales américaines CBS et UPN, les chaînes thématiques MTV (musique), Nickelodéon (Jeunesse) et Showtime (cinéma), entre autres, le studio Paramount, des studios TV, des stations de radio, un éditeur de livres ou encore la chaîne de magasins de location vidéo Blockbuster. Viacom dispute à Vivendi et Disney le titre de 2ème groupe mondial de communication. Le groupe ne possède aucun réseau de distribution, à part Blockbuster et des stations TV locales aux Etats-Unis, mais la renommée de ses produits fait qu'il est incontournable dans chacun des segments où il est présent. Pour lancer de nouveaux services, il lui suffit de lier les droit de diffusion de l'un de ses produits phares, MTV par exemple, à la distribution simultanée de ses nouveaux programmes. Même les groupes intégrés comme AOL Time Warner doivent composer avec Viacom; dès lors, l'absence de réseau de distribution devient un atout plus qu'un handicap.

La stratégie de The Walt Disney Corporation est similaire ; le groupe possède un catalogue de films et dessins animés qu'il serait impensable de ne pas proposer aux abonnés à un service de vidéo à la demande. Disney diffuse aussi des chaînes qui sont incontournables dans leur domaine : ESPN, 1ère chaîne sportive aux Etats-Unis; Disney Channel qui propose des émissions pour la jeunesse; et ABC, la chaîne nationale américaine. Le fait de pouvoir regarder, n'importe quel film, série, retransmission sportive..., bref de constituer sa propre programmation ne dissuadera jamais les téléspectateurs de regarder ce type de chaînes généralistes au contenu pré-défini ; elles verront sans doute leur audience encore baisser dans le futur mais elles restent des marques fortes, des repères pour les téléspectateurs.

Il en est de même pour les entreprises plus petites qui proposent un service apprécié et reconnu (eBay par exemple), éditent des jeux vidéo incontournables (Electronic Arts), dispose d'une bibliothèque de films (MGM) ou d'artistes musicaux (EMI). Même en devenant le Roi du Salon, messieurs Gates, Messier ou Case devront négocier avec les entreprises de contenu. Ils devront aussi composer avec les autorités de contrôle de la concurrence, en Europe ou aux Etats-Unis, qui se sont déjà illustrées en forçant Vivendi à ne pas limiter les nouveaux films Universal aux seuls abonnés Canal +, ou AOL à ouvrir son réseau câblé à d'autres services en ligne.

En conclusion, devenir "Roi du Salon" c'est pouvoir puiser dans son catalogue de films, séries, jeux... pour dégager de nouveaux revenus, prélever une taxe sur les produits vendus par d'autres, être le mieux placé pour créer et vendre tous les merveilleux services que ce support nous promet (Voir l'article Convergence ? ). Cependant, pour arriver à ce titre il faut consentir à d'immenses sacrifices financiers, investir dans son réseau, ses produits, son parc de "set top box"; se préparer à combattre les autres prétendants tout aussi bien armés et motivés ; le tout pour une place qui pourra être remis en cause par la FTC, la FCC (autorités de régulation américaines) ou la commission de Bruxelles au nom de la libre-concurrence. Il est certain qu'en cours de route beaucoup de prétendants vont abandonner, voire disparaître. Peut-être enfin que face aux risques, les acteurs vont décider de coopérer à un système commun et se partager le marché. Quoi qu'il en soit, en dernier ressort le souverain du Salon, cela reste nous, les consommateurs.

Jérôme Derozard