Financer l'interactivité (1)

La Publicité et le Marketing Interactif

Forte de ses capacités dans l'interactivité, la TV-I s'apprête à reprendre à son compte nombre de promesses faites jadis par le Web dans le domaine de la publicité. Mais les tiendra-t-elle ? Son caractère propriétaire et intégré (Opérateur - réseau - équipement de l'abonné ) autorisera le développement de standards en matière de format publicitaire et d'échange de données ; à l'inverse, il entraînera des coûts de développement supérieurs.

Quels annonceurs vont savoir le mieux tirer partie de l'interactivité ? Assurément ceux qui s'adressent au téléspectateur plus qu'au consommateur en général, tels que les services de vidéo à la demande, les chaînes de télé-achat et les services interactifs payants ; ils seront à même de développer des publicités interactives permettant la prise de commande instantanée. Tout en se gardant bien de reproduire le modèle de la publicité on-line, où les plus gros annonceurs sont longtemps restés les sites Web eux-mêmes, ce qui a conduit à un effondrement du marché publicitaire après le krach boursier. En ce qui concerne les annonceurs "traditionnels", les produits de grande consommation par exemple, l'intérêt de l'interactivité reste limité en dehors d'opérations spéciales, d'animations ludiques ou humoristiques destinés à améliorer leur image de marque. Ce type d'annonceurs restera fidèle aux formats traditionnels de la publicité télévisée. TPS propose déjà aux annonceurs d'accompagner leurs écrans publicitaires ( Sur TF1 et M6 ) d'applications interactives, lancées sur consultation du téléspectateur ; pourtant, faute d'un système de prise de commande intégré, ce système aboutit en général à une simple demande d'informations envoyée à l'annonceur indiquant les coordonnées de l'abonné.

Mais plus que l'interactivité, le grand avantage de la TV-I en matière de publicité est la meilleure connaissance du téléspectateur; d'une part la possibilité de cibler la population démarchée en fonction des préférences de chacun; d'autre part, la capacité à mesurer l'efficacité publicitaire et à connaître les réactions des téléspectateurs en temps réel : combien changent de chaînes, demandent plus d'informations, passent une commande... Des informations d'un prix inestimable pour les annonceurs. Tout cela va conduire à un changement profond dans la manière de faire la publicité, les agences de communication devront faire preuve de plus d'imagination pour susciter l'intérêt et rendre les spectateurs actifs, de plus de rigueur pour comprendre les réactions du public et d'une plus grande flexibilité pour faire évoluer les campagnes en fonction des résultats.

Le marketing connaîtra aussi une révolution face à la masse d'informations dont il va à présent disposer; en plus des traditionnels panels, il sera possible de sonder des populations entières par l'intermédiaire de jeux sponsorisés ou d'études rémunérées en cadeaux (ex : des bons valables dans les chaînes de téléachat). Opérateurs, éditeurs de contenus et annonceurs pourront affiner leur connaissance du spectateur, les uns pour développer des offres de chaînes et de services vraiment personnelles, les autres pour étudier les réactions du public face à leurs produits.

La formidable puissance de la TV-I, son aspect intégré, la possibilité "d'espionner" l'utilisateur pour mieux le cibler fait bien sûr craindre pour la protection de la vie privée et des informations personnelles. Les intérêts divergents des opérateurs de réseaux, des éditeurs de chaînes et de services et des annonceurs risquent de provoquer un éparpillement des données personnelles. Les opérateurs devront réagir très tôt à ces craintes afin de ne pas susciter la méfiance chez les abonnés, synonyme de faillite du T-commerce.

Enfin, les chaînes de télévision généralistes pourront elles aussi profiter des capacités de la TV interactive; elles pourront mieux connaître leur audience, et ce en temps réel ; elles pourront fidéliser la clientèle grâce à des services interactifs gratuits ; elles sauront attirer les nouvelles publicités interactives grâce à leur audience. En capitalisant sur leur renommée, et face aux multiples chaînes thématiques et services spécialisés, les programmes généralistes et gratuits deviendront de véritables points de rassemblement, voire des vitrines. En diffusant des programmes de Téléachat, des jeux télévisés interactifs et des rubriques d'informations personnalisables, elles constitueront la meilleure des publicités pour l'interactivité. Leurs principaux annonceurs deviendront du même coup les chaînes à péage, les éditeurs de services, les opérateurs de téléachat... ; Pour les groupes positionnés uniquement sur les chaînes et services payants ( comme Vivendi Universal), il deviendra nécessaire de disposer de chaînes gratuites afin d'assurer son auto-promotion, comme Canal + a longtemps utilisé ses émissions en clair pour recruter de nouveaux abonnés.

 

Face à tous ces revenus potentiels, l'intérêt des acteurs de la télévision interactive va être de renforcer le comportement casanier des utilisateurs afin qu'ils passent plus de temps chez eux devant la télévision. Or, les opérateurs de téléphonie mobile vont au même moment promouvoir le comportement nomade, les mobiles de 3ème génération autorisant les utilisateurs à travailler et se divertir loin de chez eux. Attendons nous donc à de nombreuses campagnes de communication sur le thème du confort et de la douceur du foyer d'un côté, de la liberté et de l'indépendance de l'autre, luttant chacune pour imposer le mode de vie adapté à l'offre de l'annonceur concerné...

Jérôme Derozard


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Voir aussi :
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A Different Kind of Media Giant ( The Standard, 23 Juillet 2001)
'Killer Diller' Gets Candid ( The Standard, 23 Juillet 2001)

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