Financer l'interactivité (1)
Les Revenus

Le 3 Septembre 2001

En ces temps difficiles de "crise de la nouvelle économie", les investisseurs sont devenus plus méfiants vis à vis des business plan qui leur sont soumis : finis les projets pharaoniques "financés" par des échanges de bannières publicitaires avec les concurrents, par la vente de produits dont le coût de livraison dépasse la valeur marchande, par l'abonnement à des services inutiles, ou par des commissions sur des transactions inexistantes.

De ce fait, il n'est pas étonnant que les grands groupes et les pourvoyeurs de capitaux se montrent extrêmement sceptiques face à l'arrivée de la télévision interactive. Les investissements en réseaux, services et équipement de l'abonné s'annoncent très importants (comme nous le verrons dans la deuxième partie de cet article), les places seront comptées (Voir l'article Le Roi du Salon ), et les doutes subsistent sur l'intérêt des consommateurs.

Pour ne pas reproduire les erreurs du passé, avant même de viser la suprématie du marché ou de budgéter les dépenses, il est donc nécessaire de s'interroger sur les revenus prévisibles de ce nouveau support. Potentiellement le marché est immense, en partant du fait que 90% des foyers sont équipés d'un ou plusieurs téléviseurs dans les pays développés. Les services payants ciblant le téléspectateur sont déjà développés (TV à péage, Télé-achat, location vidéo, jeux vidéos). Pour autant, les opérateurs qui se lanceront dans cette aventure seront-ils à même de générer des revenus suffisants ? Les estimations varient de 3 milliards à 14,6 milliards de $ en 2005 pour la seule Europe de l'Ouest, mais sont-elles fiables ? Souvenons-nous des évaluations sur les revenus générés par Internet produites il y a quelques années...

Le T-commerce

En France, le téléachat conserve cette image un peu désuète de Pierre Bellemare vantant dans son style inénarrable, couteaux multi-fonctions, produits amincissants et autres kits de lavage automobile à des prix défiants toute concurrence. La plupart des chaînes de télévision commerciale proposent depuis des années des émissions de "télé-shopping" ; l'étape suivante a été franchie grâce au développement du câble et du satellite avec l'apparition de chaînes de téléachat fonctionnant 24h/24. Les chaînes américaines QVC (Quality, Value, Convenience) et HSN (Home Shopping Network) réalisent aujourd'hui des chiffres d'affaires de plusieurs milliards de dollars et sont en certains endroits diffusées par le réseau hertzien; en Europe, il existe déjà plusieurs programmes de ce type, de tailles plus modestes.

Pour autant, les chaînes de téléachat ont encore recours à des standards téléphoniques pour recevoir les commandes des téléspectateurs, ce qui constitue un frein à leur développement. En effet, les achats sont bien souvent réalisés sous le coup de l'impulsion, et la rapidité de la prise de commande est essentielle ; D'où l'intérêt d'un système permettant la commande instantanée du produit en cours de démonstration à l'aide d'un simple bouton de la télécommande. Cela suppose de maîtriser plusieurs compétences : savoir développer des applications interactives, pouvoir remonter les informations depuis le spectateur, savoir gérer le back-office ( prise et traitement des commandes ) et bien sûr, savoir réaliser des émissions de télévision...

Parmi les acteurs qui possèdent l'ensemble de ces compétences, on trouve le groupe USA networks, dirigé par Barry Diller et opérateur du HSN (Voir l'article Le Roi du Salon ). La stratégie de M. Diller est de préparer l'arrivée de la TV interactive en développant un réseau de distribution multi-canal : TV & Internet. Un bon exemple de cette intégration est le rachat récent par USA networks du voyagiste en ligne Expedia, propriété de Microsoft. En combinant les actifs déjà en sa possession (Hotel Reservation Network, système de réservation de chambres d'hôtel, Citysearch, guide local, Ticketmaster, service de billeterie) aux activités d'Expedia (voyagiste en ligne), le groupe de Barry Diller sera en mesure de proposer des packages complets incluant la réservation du billet d'avion, d'une chambre d'hôtel et de places de spectacles, ainsi que la fourniture d'un guide de la ville visitée. Mais surtout, ce package pourra être vendu non seulement sur un des sites Web du groupe mais aussi sur une nouvelle chaîne de téléachat nommée USA Travel Channel, consacrée spécifiquement au voyage. A terme, l'objectif est de fusionner les deux canaux de distribution au sein d'une chaîne totalement interactive proposant de choisir une destination, de visionner une présentation du voyage puis de le réserver directement, tout en diffusant en continu des offres exceptionnelles susceptibles d'attirer les "achats impulsifs".

Un peu partout, les chaînes de téléachat "à thème" se développent grâce à l'augmentation du nombre de canaux disponibles sur le câble et le satellite; le bouquet Canalsatellite proposait ainsi une chaîne dédiée aux produits de luxe nommée Wishline présentant yachts et autres résidences de luxe ; les produits pouvaient ensuite être réservées en passant par le site web www.wishline.com. Le succès resta néanmoins limité du fait de l'étroitesse de la cible choisie. Plus sûrement, on peut imaginer des chaines dédiées aux produits culturels, une sorte d'Amazon TV (du nom du célèbre site Amazon.com), au sport et à la diététique, à la cuisine et aux produits ménagers, à l'automobile...

Face à cette multiplication de l'offre, le problème sera alors d'attirer les téléspectateurs vers les chaînes de téléachat ; en effet, hormis quelques fans de Pierre Bellemare et consors, peu de gens seront tentés de passer leurs journées à regarder ce type de programmation. Les chaînes de téléachat deviendront donc à brève échéance les principaux annonceurs de la TV interactive ; la puissance de ce média leur permettra de mettre au point des publicités interactives, des opérations de parrainage, des services d'alerte, voire d'éditer des chaînes à double format alliant le téléshopping à une programmation thématique, ou encore de conclure des accords de gestion de boutique pour les autres chaînes. Canalsatellite dispose ainsi d'une "galerie commerciale" où sont présentes les différentes chaînes du bouquet; pour chacune, des produits liés aux émissions diffusées sont mis en vente, la logistique étant assurée par l'opérateur satellite tandis que la promotion est à la charge de la chaîne concernée.

Comme sur Internet, la vente entre particuliers constituera une source importante de revenus pour le T-commerce. En capitalisant sur l'expérience de chaînes comme Contact-TV en France, qui diffuse en continu des petites annonces filmées, et de services Internet comme E-Bay, leader mondial des enchères entre particuliers sur Internet, on peut envisager la création de programmes totalement interactifs dédiés à la vente de particulier à particulier; ceux-ci proposeront la création d'annonces, sous forme de textes, d'images ou de vidéos, diffusées ensuite à l'antenne en continu ou classées par catégories. Le service assurera ensuite la mise aux enchères des produits puis la mise en contact entre acheteurs et vendeurs, moyennant une commission. CanalSatellite propose déjà un service proche nommé Bonjour et qui propose une sélection d'annonces publiées dans les journaux et le site Web du même nom .

Pourtant, la télévision ne deviendra jamais "l'eldorado du shopping", tout comme le PC ne s'est jamais imposé sur ce créneau. La réussite du T-commerce suppose que le nombre de services et de chaînes reste limité et qu'une relation de confiance s'installe entre les opérateurs et les téléspectateurs, notamment autour de la sécurité et la transparence du paiement. Même dans ces conditions, le domaine privilégié de la TV reste et restera le divertissement. Or, avec la numérisation des médias audiovisuel peuvent aujourd'hui apparaître des chaînes de télé-achat dédiées au cinéma, à la musique... permettant un accès immédiat au produit acheté, sans recours à un support physique : c'est la promesse des services à la demande.

 

 

 

Un jour, je serai riche

 

 

 


 

 


 

CanalSatellite

 

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