Financer l'interactivité (1)

Les services à la demande

e service qui aiguise tous les appétits en ce moment parmi les opérateurs du câble et du satellite est la vidéo à la demande, ou VOD. Pour l'instant, les services de Pay per View - paiement à la séance - proposent uniquement la multi-diffusion de films sur des canaux cryptés ; le spectateur a le choix entre une offre limitée de films récents, il doit contacter son service (par téléphone ou grâce à son décodeur) pour commander puis doit attendre la prochaine diffusion du film sélectionné. En outre, il est impossible de pauser le film, de revenir en arrière... L'apparition de capacités d'enregistrement sur certains décodeurs permet bien de résoudre certains problèmes, mais les téléspectateurs préférent encore louer / acheter une cassette vidéo ou un DVD. Depuis des années les opérateurs réfléchissent à des solutions permettant de créer un véritable service de vidéo à la demande, mais il se sont longtemps heurtés à des problèmes techniques : stockage et archivage des films, présentation et consultation du catalogue, choix du film puis diffusion chez le téléspectateur.

Aujourd'hui, la convergence des technologies permet de résoudre la plupart de ces problèmes : numérisation et compression des films pour le stockage, administration de bases de données géantes pour l'archivage, applications interactives pour la présentation et la pré-sélection du catalogue disponible, streaming pour le transfert du film, disque dur pour le stockage chez l'abonné... Mais des impasses technologiques empêchent encore l'arrivée d'un véritable système de VOD (Video On Demand) : certains réseaux de distribution (satellite, câble ancienne génération) rendent impossible une interactivité totale avec personnalisation des informations diffusées, la bande passante disponible empêche la transmission immédiate du film choisi, les problèmes de droits de diffusion limitent le nombre d'oeuvres disponibles, le coût de l'équipement nécessaire restreint le nombre des utilisateurs équipés.

Cependant, les progrès technologiques et les investissements massifs dans les réseaux, motivés par les espérances de gains associés à la VOD, devraient d'ici 2 ou 3 ans autoriser l'apparition de systèmes intégrés ; ils permettront de commander un film parmi tous les catalogues existants, de le payer, de le recevoir instantanément et de le stocker sur son décodeur afin de le visionner en toute liberté. Ceci provoquera une revalorisation des catalogues des majors du film, les utilisateurs étant intéressés par les films anciens autant que les films récents ; pour les conseiller, de véritables chaînes de téléachat dédiées au cinéma apparaîtront, proposant bandes annonces, critiques et interviews (sur le modèle de la chaîne Allociné). Le développement de telles solutions intégrées ouvrira la voie à l'extension du système à d'autres types de programmes, afin de rentabiliser les infrastructures mises en place; en plus des films, les consommateurs pourront commander des épisodes de leurs séries préférées, des documentaires, des clips musicaux; Dans le domaine du sport, il sera possible de personnaliser les retransmissions d'évènements sportifs (choix des angles et des commentaires, accès aux archives et statistiques, replay). Déjà sur Kiosque, société gérant le Pay Per View sur CanalSatellite, les spectateurs peuvent suivre la diffusion des courses de Formule 1 sur 7 canaux différents.

Mais compte tenu des investissements prévisibles pour mettre au point les systèmes de VOD, pourquoi se limiter à la seule vidéo ? D'autres médias pourront profiter des systèmes existants. Prenons le cas de la musique ; actuellement, les principales maisons de disque investissent massivement pour créer deux services de musique à la demande sur Internet : MusicNet (EMI, Warner, BMG) et Pressplay (Universal et Sony). Pourtant, de nombreuses limitations risquent de compromettre le succès de ces services, limitations liées au mode de distribution choisi : le couple PC / Web. Par crainte du piratage, d'importantes restrictions ont été mises en place : les morceaux ne pourront être écoutés que sur un ordinateur, ne pourront être transférés ; ils seront protégés contre la copie ; si l'utilisateur suspend son abonnement, il ne pourra conserver les morceaux téléchargés; la qualité de la musique sera inférieure à celle d'un CD du fait de l'utilisation de la compression; il sera indispensable de posséder une connexion Internet rapide... Or, selon une enquête publiée par Jupiter Media Metrix, les consommateurs intéressés par un tel service veulent avant tout pouvoir écouter la musique téléchargée sur n'importe quel appareil numérique (36%) ; la qualité du son (38%), l'absence de virus (33%) et la possibilité de transférer la musique à haut débit vers un autre appareil (32%) sont des points fondamentaux.

Dès lors, on peut imaginer un système utilisant les infrastructures de la VOD (bases de données, réseaux et décodeurs) pour distribuer la musique sans passage par le PC, en diminuant ainsi le risque de piratage. Grâce aux compétences déjà acquises, les opérateurs pourront développer le paiement à l'écoute (Pay Per Play) ou l'abonnement; les capacités en terme de bande passante de la VOD et le caractère propriétaire du système permettront de développer de nouveaux formats musicaux, de meilleure qualité (échantillonnage, quadriphonie, codage...), mais aussi plus sûr, en marquant les fichiers distribués. Mais le point le plus important sera la possibilité de transférer les fichiers du décodeur vers d'autres appareils : des partenariats avec les industriels de l'électronique grand public permettront de mettre au point des appareils audio (baladeurs, chaînes hi-fi) pouvant dialoguer avec les set-top box de la TV-I, en utilisant les nouvelles normes de communication sans fil (Wi-Fi, Bluetooth...) par exemple. Enfin, grâce au savoir-faire des opérateurs de téléachat, les chaînes musicales pourront proposer de nouveaux outils pour commander les titres diffusés à l'antenne. La chaîne française MCM dispose déjà d'un service présentant pour chaque clip diffusé des informations relatives à l'artiste, au titre... et la possibilité de commander le CD dont le morceau est extrait. En améliorant ce système, l'utilisateur pourrait commander tous les morceaux du même artiste ou album d'un simple clic, puis les écouter directement sur sa chaîne hifi !

Enfin, en utilisant les possibilités de connexion des décodeurs (certains peuvent déjà être reliés à des PC afin de télécharger des logiciels), on peut imaginer d'autres services à la demande; les consoles de jeux nouvelle génération, comme la PlayStation 2 de Sony, la X-Box de Microsoft ou la GameCube de Nintendo, offrent des extensions pour se connecter à Internet; les constructeurs projettent aussi d'y adjoindre des disques dur pour pouvoir télécharger des jeux vidéo (En standard sur la Xbox). En reliant la console au décodeur, l'utilisateur pourrait directement commander un jeu vidéo, le stocker sur son décodeur puis le transférer sur sa console pour y jouer.

Les services interactifs payants

Mais compte tenu des capacités de traitement graphiques et de stockage des nouvelles set top box, la tentation sera grande d'en faire des consoles de jeux à part entière (Voir l'article Convergence ?). A l'heure actuelle, les opérateurs du satellite et du câble proposent des mini jeux, type démineur, solitaire... Objectif : atteindre et fidéliser les joueurs occasionnels à l'aide de jeux grand public; Playjam propose ainsi jeux vidéos et concours dotés en cadeaux sur certains bouquets satellite. Mais le succès des déclinaisons de Qui veux gagner des Millions ? sur internet et sur CD-Rom a montré que les téléspectateurs aimeraient participer aux jeux télévisés depuis chez eux; les progrès de la TV-I autoriseront la création de programmes permettant de jouer en direct avec les candidats en utilisant simplement sa télécommande.

Pour les joueurs plus expérimentés, des chaînes entièrement consacrées au jeu vidéo (sur le modèle de Game One) pourraient apparaître, organisant des match entre téléspectateurs, des championnats retransmis en direct, proposant à ses abonnés un catalogue de jeux renouvelé en permanence... Les set-top box deviendraient ainsi de véritables consoles de jeux, mais fonctionnant sur le modèle de l'abonnement ou du paiement à la séance. Parmi les acteurs bien placés pour proposer de tels services on trouve des entreprises comme Microsoft ou Sony, qui interviennent à la fois sur le marché de la télévision interactive et des consoles de jeu, ou Vivendi Universal, qui édite chaînes à péage et jeux vidéos. Ce dernier groupe dispose en outre d'une filiale de jeu online, flipside, qui propose des jeux uni ou multi-joueurs permettant de gagner des cadeaux par l'intermédiaire d'un système de points ; un tel système pourrait parfaitement être étendu aux abonnés de la TV-I.

Enfin, les jeux d'argent constituent déjà une activité très lucrative pour les opérateurs, et notamment les courses de chevaux : sur TPS comme sur Canal Satellite, les paris réalisés à partir des décodeurs représentent la plus grande partie des revenus de l'interactivité (50% du CA hors abonnement en 2000 pour TPS, soit environ 250MF). La tentation sera grande d'étendre ce modèle aux autres paris sportifs, aux loteries, voire aux jeux de casino, même si les pouvoirs publics auront leur mot à dire sur ces développements.

En ce qui concerne les services interactifs d'information, un problème se pose : comment faire payer les téléspectateurs pour ces nouveaux services ? La solution évidente consiste à grouper chaînes et contenus interactifs; par exemple, proposer un package "Info" comprenant un nombre réduit de chaînes d'information (LCI, CNN, BBC) accompagnées d'un service de météo à la demande, d'une chaîne d'informations personnalisées, d'un service d'info-trafic à la demande... Les opérateurs auront alors tendance à diminuer le nombre de chaînes thématiques distribuées afin de laisser la place à ces nouveaux services interactifs, ce qui obligera les fournisseurs de contenus à évoluer. On pourrait ainsi assister à de nouvelles grandes manoeuvres dans le secteur des médias, avec des rapprochements entre éditeurs de contenu, voire des rachats par ces derniers de réseaux de distribution afin d'assurer des débouchés pour leurs produits. De nouveaux éditeurs de services interactifs pourraient aussi tirer leur épingle du jeu en évinçant les chaînes de TV "traditionnelles".

En outre, les stations de radio numérique par abonnement, déjà proposée sur certains bouquets satellite, pourraient évoluer avec la personnalisation de la programmation et la possibilité d' écoute sur d'autres appareils, combinées à une qualité sonore supérieure à celle de la FM et à l'absence de publicité; ce type de service constituera une alternative moins onéreuse aux services de musique à la demande. La nature même du support audiovisuel sera aussi favorable aux services liés à l'image, à la vidéo : création et partage d'albums de photos et vidéos personnelles, visio-conférence, programmes TV interactifs, avec moteurs de recherche intelligent et magnétoscope virtuel avancé... Les services de communication sont également promis à un bel avenir, tels que l'e-mail, la messagerie instantanée, les salles de discussion... Le groupe AOL Time Warner, fort de son expérience sur Internet, propose déjà le service AOL TV donnant accès aux outils de communication d'AOL depuis un téléviseur.

Enfin, les services qui rencontreront le succès commercial le plus rapidement seront sans nul doute les services interactifs pour adultes... En permettant de cumuler les avantages du minitel, du téléphone rose et des DVD "X", la télévison interactive est le support idéal pour les services de rencontres, les shows X et autres espaces de dialogue pour adultes. Gageons que les éditeurs de ce type de produit sauront s'adapter rapidement, comme ils l'ont déjà fait lors de l'apparition du minitel, des serveurs vocaux et bien sûr d'Internet !

Pour conclure, les clés du succès de tous ces programmes interactifs seront la confiance et la tranparence des paiements (notamment des micro-paiements); la rapidité de l'accès, du chargement et du fonctionnement ; l'ergonomie et l'interactivité des services, en accord avec le format TV ( possibilité d'accéder à un service tout en continuant à visionner une chaîne, navigation adaptée à la résolution des écrans...). Enfin, la relation avec le consommateur sera primordiale ; il sera d'abord nécessaire "de l'éduquer", de lui expliquer le fonctionnement et l'intérêt des produits, puis de lui démontrer la sécurité des paiements. Les éditeurs de services et les opérateurs devront mieux connaître l'abonné afin de lui proposer des services en fonction de ses goûts, ce qui se révèlera de toute façon extrêmement utile dans le domaine de la publicité et du marketing direct interactifs.

 

 

 

 

 

 


 

 


 

 


 

MCM

 

Playjam

 


 

 

Microsoft

 


 

Sony

 


 

 


 

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